Les
ingrédients du conte :
Dans sa structure, le conte de fées comprend
certains ingrédients invariants. Cest un univers merveilleux
où les animaux parlent, hors de lespace et du temps.
Il met en scène le passage de lenfant-adolescent à
lâge adulte. À partir dune situation familiale
complexe, le héros doit surmonter une série dépreuves
pour construire sa personnalité et trouver une situation stable,
que consacre la célèbre formule : "ils se marièrent
et eurent beaucoup denfants".
Le jouet de Propp:
Lanalyse structurale des contes débute avec luvre
de Vladimir Propp (1895-1970), La Morphologie de conte (1928), qui
sapplique à un corpus très spécifique dune
centaine de contes du folklore russe, collectés par Afanassiev
à la fin du XIXe siècle. Propp y distingue lunité
de mesure du conte qui est pour lui "laction dun
personnage définie du point de vue de sa signification dans
le déroulement de lintrigue". Il définit
ainsi trente et une fonctions, toujours identiques, qui se répartissent
entre les différents personnages. Retenons léloignement
des parents (qui favorise la rencontre avec lagresseur), le
méfait ou le manque (dépoux, denfant ou
de richesses), la tâche difficile ou le combat (contre un adversaire
redoutable). Ces fonctions peuvent être regroupées en
sept sphères daction correspondant chacune à un
personnage-type : lagresseur, le donateur ou pourvoyeur, lauxiliaire,
le personnage recherché, le mandateur, le héros et le
faux héros. Propp ouvre ainsi la voie à un renouveau
des études folkloriques grâce à sa grille de lecture
qui peut être adaptée à des récits très
variés.
"Les séquences narratives"
de Brémond ou le meccano du conte:
En se proposant de dégager une véritable "logique
du récit", Claude Brémond (1929-)regroupe les fonctions
de Propp en un petit nombre de séquences narratives, caractérisées
chacune par une unité daction, dont les structures peuvent
se multiplier à linfini en sarticulant autour de
trois moments clés, "comme le jeu de Meccano dans la caisse
de jouets dun enfant" :
l'ouverture de laction, ou situation initiale, présente
les personnages et les motifs de laction (manque, pauvreté
ou solitude du héros) ;
le passage à lacte montre le héros en pleine
épreuve ;
laboutissement de laction ou situation finale se
marque par la récompense pour le héros et le châtiment
pour ses adversaires.
Les motifs daction psychologique représentent "la
juxtaposition dun certain nombre de séquences qui se
superposent, se nouent, sentrecroisent, sanastomosent
à la façon des fibres musculaires et des liens dune
tresse" (Claude Brémond) : par le procédé
de lenchâssement, ces motifs semboîtent les
uns dans les autres et permettent de mettre en relief le "pollen
des contes" qui flotte en "myriades de molécules"
dans lair (Joseph Bédier).
"Les actants" de Greimas:
Les structures ou transformations actancielles de Algirdas Julien
Greimas (1917-1992) recouvrent en fait une série de phénomènes
sociaux qui se rattachent au "merveilleux", cest-à-dire
à " lirruption du mystique dans le quotidien".
Tous les contes partent au départ de "lexistence
dun ordre social manifesté par la distinction entre les
classes dâge et fondé sur la reconnaissance de
lautorité des Anciens". Puis des phénomènes
se produisent de façon magique : ce sont les "transformations
actancielles", des métamorphoses (opération magique
la plus fréquente) réelles (vieillissement ou croissance)
ou imaginaires, dhomme en animal (LOiseau bleu), danimal
en être humain (La Belle et la Bête), dêtre
vivant en minéral (les surs statufiées de la Belle),
ou en végétal (les amoureux métamorphosés
en palmiers dans Le Nain Jaune), de végétaux en objets
(la citrouille de Cendrillon).
Le folkloriste russe Vladimir Propp (1895-1970) inaugure l'analyse
structurale du conte dans Morphologie du conte publié en 1928 (Seuil,
1970). Estimant que toute étude génétique et sémantique du conte nécessite
préalablement son étude morphologique, il a étudié les contes merveilleux
traditionnels, dans lesquels il voit le jeu de "variables" (les noms
et les attributs des personnages) et de "constantes" (les fonctions
qu'ils accomplissent). Au terme de son analyse, Propp conclut que
le conte merveilleux obéit à une structure unique : il établit une
liste de trente et une "fonctions" qui s'enchaînent dans un ordre
identique, même si elles ne sont pas toutes présentes dans chaque
conte. Organisées en deux séquences, à partir d'un manque ou d'un
méfait initial jusqu'à sa réparation finale, ces fonctions constituent
le schéma du conte merveilleux russe, et probablement, pensait-il,
du conte merveilleux en général.
Extrait de Morphologie du conte, Points Seuil, 1970.
Cet ouvrage est consacré aux contes merveilleux. […]
Par contes merveilleux nous entendons ceux qui sont classés dans l’index
d’Aarne et Thompson sous les numéros 300 à 749.[…] Nous entreprendrons
de comparer entre eux les sujets de ces contes. Pour cela, nous isolerons
d’abord les parties constitutives des contes merveilleux en suivant
les méthodes particulières, puis nous comparerons les contes selon
leurs parties constitutives. Le résultat de ce travail sera une morphologie,
c’est-à-dire une description des contes selon leurs parties constitutives
et des rapports de ces parties entre elles et avec l’ensemble. […]
Ce qui change, ce sont les noms (et en même temps les attributs) des
personnages ; ce qui ne change pas, ce sont leurs actions, ou leurs
fonctions. On peut en conclure que le conte prête souvent les mêmes
actions à des personnages différents. C’est ce qui nous permet d’étudier
les contes à partir des fonctions des personnages. Nous devrons déterminer
dans quelle mesure ces fonctions représentent effectivement des valeurs
constantes, répétées, du conte. Tous les autres problèmes dépendront
de la réponse à cette première question : combien de fonctions le
conte comprend-il ? L’étude montre que les fonctions se répètent d’une
manière stupéfiante. C’est ainsi que pour mettre à l’épreuve ou récompenser
la belle-fille, nous rencontrons aussi bien Baba-Yaga que Morozko,
l’ours, le sylvain ou la tête de jument. En poursuivant ces recherches,
on peut établir que les personnages des contes, si différents soient-ils,
accomplissent souvent les mêmes actions. Le moyen lui-même, par lequel
une fonction se réalise, peut changer : il s’agit d’une valeur variable.
Morozko agit autrement que Baba Yaga. Mais la fonction en tant que
telle est une valeur constante. Dans l’étude du conte, la question
de savoir ce que font les personnages est seule importante ; qui fait
quelque chose et comment il le fait, sont des questions qui ne se
posent qu‘accessoirement. Les fonctions des personnages représentent
ces parties constitutives qui peuvent remplacer les motifs de Veselovski
ou les éléments de Bédier. Notons que la répétition des fonctions
par des exécutants différents a été remarquée depuis longtemps par
les historiens des religions dans les mythes et les croyances, mais
ne l’a pas été par les historiens du conte. Ainsi que les caractères
et les fonctions des dieux se déplacent des uns aux autres et passent
même finalement aux saints chrétiens, les fonctions de certains personnages
des contes passent à d’autres personnages. Nous pouvons dire en anticipant
que les fonctions sont extrêmement peu nombreuses, alors que les personnages
sont extrêmement nombreux. C’est ce qui explique le double aspect
du conte merveilleux : d’une part son extraordinaire diversité, son
pittoresque haut en couleur, et d’autre part son uniformité non moins
extraordinaire, sa monotonie. Les fonctions des personnages représentent
donc les parties fondamentales du conte et c’est elles que nous devons
d’abord isoler. Pour cela il faut d’abord définir les fonctions. Cette
définition doit être le résultat de deux préoccupations. Tout d’abord,
elle ne doit jamais tenir compte du personnage-exécutant. Dans le
plus grand nombre des cas, elle sera désignée par un substantif exprimant
l’action (interdiction, interrogation, fuite, etc.). Ensuite, l’action
ne peut être définie en dehors de sa situation dans le cours du récit.
On doit tenir compte de la signification que possède une fonction
donnée dans le déroulement de l’intrigue. […] Des actes identiques
peuvent avoir des significations différentes et inversement. Par fonction,
nous entendons l’action d’un personnage, définie du point de vue de
sa signification dans le déroulement de l’intrigue. Les observations
présentées peuvent être brièvement formulées de la manière suivante
: 1. – Les éléments constants, permanents, du conte sont les fonctions
des personnages, quels que soient ces personnages et quelle que soit
la manière dont ces fonctions sont remplies. 2. – Les fonctions sont
les parties constitutives fondamentales du conte. Le nombre des fonctions
que comprend le conte merveilleux est limité.
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